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La Cour de cassation consacre la victoire de Moneta – accompagnée par le cabinet Pledge – dans le dossier Altamir

L’arrêt de la Cour de cassation du 11 octobre 2023 (Cass. com., 11 oct. 2023, no 21-24776, F–B), dit « arrêt Moneta » en raison du nom de la société de gestion de portefeuille ayant introduit l’action en première instance devant le Tribunal de Commerce de Paris[1], marque la reconnaissance des démarches judiciaires engagées par celle-ci à l’encontre de la société ALTAMIR GERANCE et de son représentant, Monsieur Maurice TCHENIO.

Au-delà de la censure de l’arrêt d’appel, la Haute Juridiction rend un arrêt de principe concernant la recevabilité d’une action ut singuli introduite par une société de gestion au nom des porteurs de parts de fonds commun de placement qu’elle gère.

La société en commandite par actions (SCA) Altamir (« Altamir ») est une société dont les actions sont cotées sur Euronext. Son activité initiale était d’investir dans des titres non cotés et, depuis 2011, consiste essentiellement à souscrire des parts de fonds de capital investissement gérés par le groupe Apax. Deux fonds communs de placement (FCP), Organismes de Placement Collectifs de Valeurs Mobilières (« OPCVM ») sans personnalité morale et ouverts à des investisseurs non professionnels, gérés et représentés par la société Moneta Asset Management (« Moneta »), détiennent des titres d’Altamir.

Avec la transformation du modèle d’Altamir en « fonds nourricier » du groupe Apax en 2011 – 2012, Moneta, acteur réputé pour la gestion saine, éthique et transparente qu’il prône auprès de ses participations, a découvert que les différentes formes de rémunération du dirigeant d’Altamir et les autres frais de gestion facturés à Altamir avaient très fortement augmenté depuis 2011 en pourcentage de l’actif net réévalué de la société, que ces frais étaient à la fois exorbitants et opaques, l’opacité ayant été mise en place pour tenter de camoufler cette flambée des frais.

En 2016, Moneta, ès qualité de société de gestion au nom des fonds communs de placement qu’elle représente, a donc assigné en responsabilité pour faute de gestion la société dirigeante, la société Altamir Gérance (« Altamir Gérance ») et son représentant, Monsieur Maurice Tchénio.

Après plusieurs décisions contradictoires rendues par le Tribunal de commerce de Paris, la Cour d’appel avait retenu une approche singulièrement défavorable à l’égard de Moneta.

Par cet arrêt du 11 octobre 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation désavoue le raisonnement tenu par la Cour d’appel de Paris à l’occasion de son arrêt en date du 16 septembre 2021.

En concluant qu’il convenait de casser et annuler l’arrêt susvisé, en ce qu’il a dit « prescrite et donc irrecevable la demande de la société Moneta Asset Management relative à la facturation des frais de gestion de la société Altamir et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile », la Chambre commerciale de la Haute Juridiction reconnaît le bien fondé des griefs formulés par Moneta à l’encontre des défendeurs au pourvoi.

En effet, Moneta soutient que la société Altamir Gérance a violé une clause statutaire de la société Altamir prescrivant un plafonnement des frais de gestion au sein de ladite société. En l’absence de déduction totale d’honoraires de gestion prélevés par Apax sur les fonds dans lesquels investit Altamir, les rémunérations facturées directement par Altamir Gérance et indirectement par d’autres sociétés de gestion violaient les statuts d’altamir et contrevenait à l’intérêt social.

A cet égard, Altamir Gérance a commis une faute de gestion engageant sa responsabilité.

Or, en retenant que la faute alléguée résidait dans la modification des statuts intervenue en 2011, et en application des dispositions de l’article L 225-254 du Code de commerce[2], la Cour d’appel a considéré que la demande de la société Moneta devait être déclarée irrecevable car prescrite lors de son assignation intervenue le 8 juillet 2016.

Cassation, au motif que la Cour d’appel ne pouvait considérer, sauf à dénaturer l’écrit qui lui était soumis, duquel il ressortait « sans équivoque » que la violation des statuts était reprochée à Altamir, que le fait dommageable invoqué résidait dans la modification de la clause statutaire de fixation de la rémunération de la gérance, intervenue en 2011 à l’occasion de la nouvelle orientation stratégique décidée par Altamir.

En conséquence, la Cour de cassation, rejetant par là même le pourvoi incident formé par Altamir Gérance et Monsieur Maurice Tchénio, rappelle à l’ordre la Cour d’appel, et casse et annule partiellement l’arrêt rendu par cette dernière sur ce chef, mais également en ce qu’elle a statué sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile à l’encontre de Moneta.

Dans ces conditions, la société Moneta entend saisir la Cour d’appel de renvoi à l’effet d’obtenir réparation des fautes de gestion commises par la société Altamir Gérance ayant eu pour effet de réduire la valeur financière des titres de la société Altamir détenus par les FCP gérés par Moneta.

Reprenant son argumentaire, indûment rejeté par la première Cour d’appel, Moneta fera valoir que la facturation annuelle de frais de gestion en violation des dispositions statutaires de la société Altamir (et de son intérêt social) caractérise un contrat à exécution successive, reportant chaque année le délai de prescription. La prescription de l’action de Moneta ne pouvant ainsi être acquise, la juridiction du second degré ne pourra que constater les préjudices subis par les porteurs de parts des FCP détenant des participations au capital de la société Altamir résultant de la regrettable politique de facturation des frais de gestion menée par Altamir Gérance, et, partant, les indemniser.

La Cour d’appel de renvoi pourrait en outre bien profiter des nouveaux débats pour revenir sur les montants faramineux des réparations infligés à la société Moneta par la première Cour d’appel, qui avait fait droit aux demandes des sociétés Altamir et Altamir Gérance relatives au prétendu dénigrement dont elles s’estimaient victimes de la part de Moneta – laquelle ne faisait finalement qu’émettre des reproches au sujet de la gestion douteuse d’Altamir par Altamir Gérance dans le cadre de la liberté d’expression qui est la sienne et de ses obligations en qualité de société de gestion tenue par la loi à un engagement actionnarial.

Outre le désaveu de la Cour d’Appel, il convient de souligner que la Cour de Cassation profite de cet arrêt pour apporter une précision bienvenue à la jurisprudence et aux textes relatifs à la recevabilité de l’action ut singuli.

Alors que la recevabilité de l’action introduite par la société Moneta à l’encontre d’Altamir, d’Altamir Gérance et Monsieur Maurice Tchénio était contestée par ces derniers, considérant qu’en sa qualité de société de gestion, elle n’avait pas qualité à agir au regard de l’article L 225-252 du Code de commerce, la Cour de Cassation opère une lecture combinée des articles L. 214-8-8 et L 533-22 du Code Monétaire et Financier pour déduire que les sociétés de gestion disposent du pouvoir d’agir au nom des porteurs de parts des fonds communs de placement qu’elles gèrent pour faire valoir les droits attachés aux actions détenues par ces fonds, y compris celui d’agir dans l’intérêt social.

Ainsi, la Cour de Cassation rend un arrêt de principe en énonçant sans équivoque « (…) les sociétés de gestion sont recevables à exercer l’action ut singuli prévue à l’article L 225-252 du Code de commerce ».

La recevabilité de l’action de la société Moneta n’étant pas un motif de cassation partielle, la Cour de renvoi n’aura pas à revenir sur ce principe, et l’on attend de la jurisprudence constante qu’elle fasse sienne le raisonnement tenu par la Cour de cassation.

Les sociétés devront ainsi justifier d’une gérance conforme à l’intérêt social auprès des porteurs de parts de leurs fonds investisseurs, ce qui ne peut qu’être salué car s’inscrivant dans le développement de l’engagement actionnarial et d’une gouvernance d’entreprise saine et vertueuse. Le cabinet Pledge se réjouit d’accompagner la société Moneta dans cette affaire et d’avoir contribué à l’obtention de cette décision emblématique.


[1] Cass. com., 11 oct. 2023, n°21-24776, F–B.

[2] L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation […].


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